Claude LEFEBVRE (Fontainebleau 1632-1675 Paris)

Portrait d’Henri II de La Tour d’Auvergne, vicomte de Turenne, maréchal de France (Sedan 1611 – 1675 Sasbach)

            Huile sur sa toile d’origine, 30,3 x 25,5 cm.

Châssis postérieur, une inscription manuscrite François de Marnet.



 

PROVENANCE


- Probablement collection du général Despinois (modèle pour la plaque de porcelaine peinte par Marie-Victoire Jaquotot en 1821) ;

 - Collection privée par descendance, Paris.                       


  

L’ARTISTE   

       

       Fils du peintre Jean Lefebvre ; au moins quatre de ses frères furent peintres également. Il reçut d'abord les conseils de son père, puis fut élève de Claude de Hoëy. Il entra en 1654 dans l'atelier de Le Sueur, puis, en 1655, dans celui de Charles le Brun. Celui-ci, conformément à son propre goût, l'incita à se consacrer à la peinture de portraits. A côté de Philippe de Champaigne, Claude Lefebvre fur le portraitiste le plus renommé de son temps. Au salon du Louvre, en 1673, il exposait neuf portraits de sa main. Il entra à l'Académie en 1663, et y obtint la charge de professeur-adjoint en 1664. La plupart de ses portraits ont aujourd'hui disparu ; certains autres sont connus par la gravure. Ses premiers portraits montrent l'influence de Philippe de Champaigne, avec un modelé plus accentué. On a longtemps méconnu son rôle dans le renouveau de l'art du portrait, au milieu du XVIIe siècle. Parmi ses portraits les plus puissants, on cite celui de Colbert, à Versailles.


 

LE MODÈLE   


        Après un apprentissage militaire en Hollande (1625-1629) auprès de ses oncles de Nassau, Turenne sert Louis XIII à partir de 1630, continuant une double carrière en France et aux Pays-Bas jusqu’en 1633, date à laquelle il rejoint définitivement la France. Maréchal de France en 1643, partisan de la Fronde des princes, mais rallié au roi en 1651, Turenne sort vainqueur en 1658 de la bataille des Dunes qui permet la paix des Pyrénées en 1659. Protestant convertir au catholicisme en 1668, Turenne réorganise l’armée, fait œuvre de diplomate et conseille Louis XIV dans sa formation militaire. Grand stratège militaire et maréchal de France, Turenne est considéré, avec le prince de Condé, comme le meilleur général des armées françaises de son temps, combattant dans les armées de Louis XIII et de Louis XIV. Ce héros est tué d’un coup de canon en 1675 et inhumé à Saint-Denis (Bonaparte l’a fait transférer aux Invalides en 1800).


 

L’ŒUVRE


        Notre tableau, propriété d’une importante collection privée dans laquelle il était conservé depuis longue date, semblait devoir être rattaché à l’œuvre de Pierre Mignard. Or le coffret de la tabatière du roi Louis XVIII, conservé au musée du Louvre (département des Objets d’art, MS214), dévoile l’identité du peintre, Claude Lefebvre ; l’on y découvre une réplique de notre tableau à l’identique (fig.1.), miniature sur porcelaine peinte par Marie-Victoire Jaquotot en 1821, avec au verso toutes les indications correspondantes : ‘Le maréchal de Turenne/ par/ Madame Jaquotot/ Paris 1821/ d’Après Claude Léfevre’.


Conçu comme un médailler, ce petit meuble présentait trois tablettes coulissantes portant chacune huit miniatures sur porcelaine par Marie-Victoire Jaquotot. Au choix du roi, elles pouvaient alternativement s'enchâsser sur le couvercle de la tabatière (perdue) qui s'encastrait dans la partie interne du couvercle du coffre. En tout quarante-huit portraits en miniature furent peints par l'artiste, les vingt-quatre hors du coffret, dont celle-ci, sont conservées au département des arts graphiques [i].

Fig.1.  © Paris, musée du Louvre

 

        Le modèle ne porte pas l'écharpe de commandement, soit avant que Turenne ne soit nommé maréchal de France. Par ailleurs les deux gravures de Robert de Nanteuil (fig.2 & 3) représentant Turenne en maréchal de France, deux compositions différentes de la nôtre, gravées respectivement en 1656 et 1665, montrent un modèle en position inverse de celle de notre tableau. Tout indique que ce dernier soit bien le tableau ayant appartenu au général Despinois, peint dans le même sens et qui aura servi de modèle à Marie-Victoire Jaquotot en 1821.

                 Fig.2.

                   Fig.3.

       Un Portrait du vicomte de Turenne attribué à Pierre Mignard (toile, 126 x 95 cm, Dorotheum, Vienne, 13 dec 2012, lot 8) (fig.4) passé en vente publique en 2012, qui de fait orientait vers cette attribution, nous procure d’autres informations ; le modèle est bien le même, mais la composition diffère, celle reprise par Marie-Victoire Jaquotot se révèle bien être celle de notre portrait.


FIG.4. © Dorotheum

 

       


       Une autre oeuvre vient en quelque sorte confirmer l’attribution, un autoportrait présumé de Claude Lefebvre, tableau de petit format, passé en vente publique en 2014 (Claude Lefebvre, Autoportrait présumé de l’artiste, panneau, 18,2 x 14,8 cm, Artcurial, 26 mars 2014, lot 127) (fig.5) et qui se révèle de même facture que notre portrait de Turenne, les détails de la dentelle du jabot et d’autres encore ne trompant pas.

FIG.5. © Artcurial


       

       Enfin, un portrait de Turenne assez proche et à l’inverse de la gravure de 1665, localisé dans le Dorset en Angleterre, propriété d’une collection privée par descendance depuis au moins le XIXème siècle, révèle au verso de sa toile de rentoilage une inscription LE FEVRE.



      Au regard de la notoriété et de l’importance du vicomte de Turenne en cette période du XVIIème siècle, aussi peint par Philippe de Champaigne, Charles le Brun et Pierre Mignard, l’on imagine bien qu’elle pouvait être la demande de dignitaires de haut rang, avec comme il est probable des commandes bien ciblées. Notre œuvre de petit format pourrait aussi bien se révéler être un modello, voire un ricordo destiné à être offert.






[i] (Daniel Alcouffe, Anne Dion-Tennenbaum, Pierre Ennès, Un âge d'or des Arts décoratifs, 1814-1848, Galeries nationales du Grand Palais, Paris, 10 octobre - 30 décembre 1991, cat. 25, 26, p. 105-110 repr).

Marie-Victoire Jaquotot (1772-1855) et ses portraits pour la tabatière de Louis XVIII, Communication de Mme Anne Lajoix, Bulletin de la Société de l'Histoire de l'Art français, année 1990, séance du 2 décembre 1989, p. 153-171.

Anne Lajoix, Marie-Victoire Jaquotot, 1772-1855, peintre sur porcelaine, Troyes, Le Trait d'Union - Florence Hatier, 2006, Archives de l'art français, tome 38, Thèse de doctorat, Histoire de l'art, Paris I, 1992, PP 165, p. 125 ; Voir aussi J.-G. Castex in cat. d'exp. 'L'art du portrait dans les collections du Louvre', Tokyo / Osaka, 2018-2019, n° 80, p. 52-53 ;


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