Henri Lehmann Kiel 1814-1882 Paris

Henri LEHMANN (Kiel 1814 - 1882 Paris)

Allégorie de la vie humaine

Vers 1839-49                                         

Monogrammé HL (L imbriqué dans le H) en bas à gauche

Huile sur toile (rentoilée), 88,5 x 129 cm ; 34 3/4 by 50 2/3 in.

Dans son cadre d’origine

Provenance

- Collection privée, Hôtel particulier depuis plusieurs générations et jusqu’en 2017.


Bibliographie

Inédit


Iconographie singulière et inédite dans l’œuvre d’Henri Lehmann, nous proposons à celui qui la regarde d’y voir le microcosme d’une vie entière résumée à ses grandes étapes. Conception héritée de l’Antiquité, sans doute enrichie d’une érudition qui nous échappe ici, Lehmann se fait le peintre savant des âges de l’homme. Des croquis (fig.1 & fig.2) d’une figure agenouillée semblable au vieillard de notre composition sont recensés dans le catalogue raisonné, sans que toutefois nous ne puissions les rapprocher d’une composition connue.

 

Élève d’Ingres, le grand maître du Classicisme lui transmet son amour de l’Antiquité, de la Renaissance italienne et la nécessité de s’en approcher pour dessiner et peindre avec justesse. Né en 1814, Lehmann se forme un temps chez son père avant de venir dans l’atelier de celui qu’il ne quittera jamais vraiment. Ses origines allemandes ne lui permettent pas de concourir au Grand Prix mais il expose au Salon dès 1835. A Paris, il vit par ailleurs chez son oncle, riche banquier, amateur d’art et dont il fréquente les salons. C’est là qu’il se lie avec Chopin, Liszt et Gérard. Ces relations mondaines sont pour lui l’occasion de proposer ses talents reconnus de portraitiste et de nouer des liens très forts avec ses modèles. Il se lie ainsi d’une amitié profonde avec Liszt et sa maîtresse Marie d’Agoult, dont les portraits par Lehmann sont aujourd’hui au musée Carnavalet.

 

Resté très proche de son maître Ingres, devenu directeur de la Villa Médicis où il officie entre 1835 et 1841, Lehmann continue de lui envoyer ses compositions afin d’avoir l’avis de celui qu’il admire et finit par le rejoindre en 1838.

 

Dans notre composition, l’hommage au maître est double. Grand admirateur de la Renaissance italienne dont les peintres sont d’après lui parvenus au sublime de l’art pictural, Ingres s’en inspira beaucoup dans ses propres compositions. Avec sa figure alanguie au premier plan, Lehmann nous rappelle qu’à l’instar de son maître dans son Jupiter et Antiope, il a vu Venise et les artistes du Cinquecento. S’il n’insiste pas sur la sensualité des figures féminines de Giorgione et Titien, le lien se fait dans la pose. Plus encore avec cette superposition de l’espace horizontal, Henri Lehmann invite notre regard à passer de scène en scène et à gagner en profondeur. Si une interprétation globale doit être appréhendée afin de comprendre le tableau, la symbolique ambigüe due à l’absence de titre donné par l’artiste, entretient les interrogations du spectateur et nous rappelle certaines œuvres vénitiennes.

 

Au-delà de cette inspiration, Lehmann est sans doute touché par le courant néogrec dont les membres se plaçaient dans la lignée d’Ingres. Ce dernier lui-même n’y était pas resté insensible et s’y adonna un temps. La référence à l’Antiquité, prégnante depuis le XVIIIe siècle, évolue ainsi vers les années 1840. Mise en scène par des compositions rigoureuses jusqu’alors, elle devient le théâtre de l’idylle et de l’onirisme, mêlant au sérieux le scabreux. Lehmann a sans doute été touché par la mouvance néogrecque dans son tableau où les étapes de l’existence défilent. Nous serions ainsi tentés de voir une vie qui débute à l’arrière-plan où deux jeunes gens sont invités à rejoindre la ronde dansante ; puis se poursuit jusqu’au couple debout de dos et dont le lien physique préfigure la scène du premier plan. Parvenu à l’âge adulte symbolisé par la venue de l’enfant, le crépuscule de la vie résonne finalement dans les figures sous l’arbre, éclairées par la lumière douce du soir naissant.

 

La construction néoclassique en frise est ici rompue par les deux couples à droite, mais l’enseignement du dessin comme base de tout reste sensible dans les figures de Lehmann aux traits fins et aux drapés flottant délicatement. La palette quant à elle, devient plus chaude et diverse. Ainsi, si au fil de sa carrière, nombreuses avaient été les critiques à juger les coloris de Lehmann froids, secs voire même archaïques, là au contraire, les teintes se font chaudes et nous plongent dans l’atmosphère d’un soir d’été. Sans céder à la mélancolie, la vie continue de résonner dans la musique et la danse dont l’écho occupe les plans les plus reculés.

FIG.1.  Henri LEHMANN

Etude de personnage accroupi

Crayon, 28 x 22 cm

Localisation actuelle inconnue                                                                                               

FIG.2. Henri LEHMANN

Etude de femme agenouillée et drapée

Black Chalk, 22,2 x 15,3 cm





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