François LEMOYNE (Paris 1688 – 1737 Paris) et atelier
La Glorification de Junon
Huile sur toile chantournée, remise postérieurement
au rectangle
92 x 137.5 cm
Provenance
- Collection Arsène Houssaye, Vente à Paris, Drouot, mai 1896, sous le n°71 ;
- Vente Madrid, Alcala Subastas, 06 octobre 2011, lot 398 (comme œuvre autographe de François Le Moyne, avis d’Alastair Laing) ;
- Acquis et conservé jusqu’à ce jour par l’actuel propriétaire
Bibliographie
- J-L.BORDEAUX, François Le Moyne and his Generation, 1688-1737, Paris : Arthena, 1984, p. 87, n°35, reproduit en noir & blanc Fig.3.
Exposition
- Galerie Alexis Bordes, exposition Tableaux anciens du XVIe au XIXe siècle, novembre-décembre 2012
Elève de Louis Galloche au début du XVIIIe siècle, François Lemoyne (Aussi appelé Le Moine ou Le Moyne) fut reçu académicien en 1718. A l’encontre de son contemporain Watteau avec lequel on a parfois confondu ses œuvres, il eut une carrière officielle de professeur à l’Académie (1733) et de premier peintre du Roi (1736).
Si ses premières toiles sont conçues dans des tonalités chaudes héritées de Jouvenet, le passage à Paris de Pellegrini qui travailla sur un projet de plafond pour la Banque Royale en 1719 et avec lequel il entretient une rivalité, son voyage en Italie (Rome, Venise, 1724), l’orientent rapidement vers la recherche d’un coloris plus clair, et lui fit adopter une facture onctueuse, fluide et plus vibrante, qu'on retrouve par exemple dans le tableau conservé au Louvre "Hercule et Omphale". Les commandes de peinture religieuse débutent en 1715 pour continuer en assez grand nombre jusqu’à son départ pour l’Italie fin 1723 (plafond de St Thomas d’Aquin).
A son retour en France, Lemoyne travailla pour divers monuments et églises à Paris avant d'obtenir deux commandes pour le Château de Versailles : une composition allégorique pour le salon de la Paix ("Louis XV donnant la paix à l’Europe", 1728-29) et le plafond du salon d’Hercule (1733-1736, esquisse à Versailles). Ces grands décors restent dans une tradition héritée du Grand Siècle, avec cependant une composition plus lisible, moins austère et certainement moins monumentale.
Réalisée comme dessus de porte avec un format original chantourné, puis adaptée postérieurement au rectangle, l’origine de l’œuvre n’est à ce jour toujours pas identifiée. L’article de Jean-Luc Bordeaux du numéro 473 de la revue l’estampille l’objet d’Art paru en novembre 2011 fait état de la redécouverte d’œuvres de Lemoyne chantournées et exécutées pour l’Hôtel Biron.
Notre tableau, a probablement fait partie intégrante d’un décor de boiserie d’Hôtel particulier. Quelques écrits font référence au travail que Lemoyne aurait pu exécuter pour l’Hôtel de Soubise, etc… mais sans pour autant établir de lien avec notre peinture. Selon Jean-Luc Bordeaux La Glorification de Junon a sans doute fait partie d’un projet de décoration en dessus de porte relativement tôt dans la carrière du peintre, vraisemblablement une œuvre qui aurait été conçue avant 1720 et qui aura servi à l’apprentissage des élèves dans l’atelier de Le Moyne qui comportait déjà en 1719 les jeunes Boucher et Natoire.
La proximité de notre tableau avec l’œuvre conservée au Louvre et représentant Junon, Iris et Flore, dessus-de porte exécuté pour le Château de Montfermeil, est à signaler.
La Glorification de Junon semble être l'une des plus belles illustrations de ce point d'équilibre entre la grande tradition décorative française et le goût de l'époque pour une peinture plus légère. Equilibre qui permit l’éclosion de l’élégance et de la grâce dont témoignera la peinture de Boucher et de Natoire, les élèves de Lemoyne.
Ici, la déesse Junon, protectrice du mariage et de la fécondité et elle-même épouse jalouse et vindicative de Jupiter, est représentée triomphante sur son char tiré par des paons, son animal emblématique. Dans une nuée de putti, elle flotte au milieu des nuages, comme portée par les airs dont elle est également la figure allégorique.
Les comparaisons effectuées avec le modello (maquette préparatoire de la composition) du décor de la voûte du salon d’Hercule par François Lemoyne (1732)[1] avec la confrontation des deux œuvres in situ au château de Versailles, ont mis en évidence un rapprochement entre les deux peintures : la gamme chromatique, les modelés ainsi que les mouvements des Putti.
La présence de nombreux dessins préparatoires et repentirs a été révélée par l’examen aux infrarouges[2] sur l’ensemble de la composition. Nous retrouvons ces derniers principalement sur Junon au centre du tableau, mais aussi sur le putto de gauche et en particulier sur les contours des têtes des Putti en haut au centre. Ils sont comparables à d’autres détectés sur le modello de Versailles ; idem sur le putto de l’œuvre de François Le Moyne, Vénus et Adonis, conservée au National Museum de Stockholm[3].
C'est sans aucun doute ce style libre et enlevé, fortement attaché au goût de son époque, qui plut au poète et collectionneur Arsène Houssaye. Homme de lettres de la période romantique, compagnon de Gérard de Nerval et de Théophile Gautier, Houssaye a surtout fortement contribué, dans les années 1830-1840, à remettre l'art du XVIIIe siècle au goût du jour. Il fut l'un des premiers à écrire sur Watteau et les Van Loo et rassembla une belle collection d'œuvres d’art qui fut dispersée en 1896 et parmi laquelle on retrouve notre tableau.
Madame Françoise Joulie, après avoir examiné le tableau de visu en 2012, puis après avoir consulté le rapport scientifique du 20 septembre 2021,[4] a confirmé être convaincue du caractère autographe de l’œuvre par François Lemoyne.
Monsieur Jean-Luc Bordeaux, après examen de l’œuvre, confirme l’attribution à François Lemoyne et atelier et propose une date d’exécution vraisemblablement avant 1720.
[1]
Huile sur toile, collée sur carton, 116 x 149 cm, château de Versailles. No Inv 6713. MV 6277
[2] Chantal Aouiry, Archipel, rapport du 20 septembre 2021.
[3] 92 x 73 cm, signée et datée en bas à gauche : F. LEMOYNE 1729, Inv.824.
[4] Aouiry, op. cit.
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